Programme - Colloque "Chercheurs et acteurs dans la construction d’initiatives pour la démocratie alimentaire"

Se réunir à l’échelle municipale pour discuter du devenir des terres environnantes, soutenir l’installation d’un maraîcher, participer à une expérience de réduction de l’impact environnemental de son alimentation ou à la vie d’un jardin partagé dans un quartier populaire… Ces initiatives, observées dans des contextes très divers, mises en oeuvre avec des systèmes d’acteurs très hétérogènes, présentent néanmoins un point commun : elles sont autant d’initiatives qui rassemblent des citoyens, des associations, des acteurs publics autour des enjeux de production et de consommation alimentaire, et peuvent être analysées au prisme de la « démocratie alimentaire ».

Tout en reconnaissant la nécessité d’un regard critique sur les initiatives, la perspective de la Transition écologique (dans laquelle s’inscrit le programme de recherche Excipient/Cit’In) met les chercheurs dans la position de faire, d’accompagner, plutôt que de « simplement » observer en surplomb. Comment se construisent les démarches de recherche en partenariat, et comment transformer les démarches de recherche en direction d’un co-apprentissage à la démocratie ? Si de plus la vulgarisation des savoirs et des méthodes scientifiques, de même que les approches pragmatiques en sciences sociales ou même les démarches d’éducation populaire placent ceux qui occupaient le rôle « d’enquêtés » en position « d’enquêteur », quel devient alors le rôle du chercheur ?

Différents aspects des questions concernant les affinités, les relations, les rôles des chercheurs et des acteurs seront interrogés, à partir de retours d’expérience, de témoignages et d’analyses mêlant cadre théorique et dimension empirique. Les propositions attendues porteront sur des initiatives et des projets qui, d’une manière ou d’une autre, ont un rapport avec les enjeux de démocratie alimentaire. Nous attendons plus précisément des communications qui permettent d’éclairer la dynamique et les effets des relations entre les acteurs et chercheurs. Nous encourageons vivement les communications à deux voix (acteurs et chercheurs), qui s’attellent à construire un point de vue croisé ou développent une démarche réflexive sur ce partenariat et ses effets.

Nous proposons pour ce faire les 4 axes de réflexion suivants :

1 – Gouvernance

Comment se forge la gouvernance dans les collectifs porteurs de ces initiatives ? Quelle place ou quel rôle peut y avoir le chercheur ? Comment est mobilisée la recherche : sur les outils et méthodes d’organisation et de gestion des relations, sur des apports de connaissance de contextes extérieurs, sur une démarche plus réflexive d’évaluation en continu des effets de l’expérimentation ? Comment les chercheurs participent-ils (ou non) à expérimenter des modes de gouver-nance spécifiques ? Existe-t-il des situations, des cas, où la participation des chercheurs peut mettre en péril les modes de gouvernance parfois fragiles des initiatives ? Dans quelle mesure aussi, la distinction acteur-chercheur perd-elle de son sens ou bien au contraire est-elle réactivée dans des circonstances spécifiques ?

2 – Maillage & essaimage

L’idée de démocratie entretien un certain rapport avec le grand nombre ; c’est ainsi que la démocratie alimentaire est souvent mise au défi du maillage ou de l’essaimage à partir d’initiatives existantes. L’idée de maillage renvoie entre autres à celle de mise en relation / en cohérence / en synergie d’acteurs hétérogènes, situés à différents niveaux ou échelles d’action, dans un système alimentaire. Celle d’essaimage renvoie plutôt à la possibilité de reproduire ailleurs, sous une forme identique ou similaire, et étendre ainsi à d’autres l’accès aux bénéfices de l’initiative. La capacité de certaines initiatives, comme les Amap, à essaimer et s’installer durablement dans le paysage en constitue une illustration particulière. Dans cette perspective, certains travaux mettent en avant les contributions spécifiques d’acteurs clés dans les actions collectives (Amblard et al. 2018) : facilitation, coordination, transmission, mise en visibilité, etc. Quels sont ces acteurs et de quelle façon se font-ils “passeurs d’initiatives” ? Comment se construit la légitimité à promouvoir un maillage et à « rendre visible » certaines expérimentations citoyennes ? Ces questions sont fondamentales en raison des asymétries entre les acteurs, ainsi qu’en raison des relations de pouvoir et des enjeux politiques qu’elles génèrent. Elles nous importent ici au regard du rôle (spécifique) que peuvent jouer les chercheurs en matière de légitimité, de mobilisation, de diffusion, aux côtés d’autres acteurs, et notamment auprès des acteurs publics ?

3 – Mobilisation

La mobilisation est souvent envisagée en lien avec l’enjeu de toucher les publics les plus affectés par les différentes inégalités relevant des enjeux écologiques et alimentaires. S’il ne s’agit pas de « conscientiser », comment aborder les enjeux d’inégalités et de justice sociale et alimentaire ? Comment sont établies des conditions qui permettent de véritables rencontres acteurs-chercheurs, des apprentissages en commun, une inflexion des rapports sociaux, ne serait-ce qu’au niveau local. Quels sont les moyens et leur efficacité pour permettre à un public de se mettre en condition d’enquête collective (au sens pragmatique), et comment est conduit l’examen sensible des conséquences des actions au quotidien et de ce qui peut être fait collectivement pour les changer. Au-delà de la question du sens, ce qui importe alors est l’agir et les difficultés concrètes de l’agir, et comment les chercheurs peuvent participer de la réflexion sur ces dernières avec les acteurs.

En lien avec la 4e thématique (approches sensibles), il s’agit aussi de réfléchir à la façon dont les méthodologies ou le récit scientifiques peuvent cohabiter avec d’autres formes de contributions, notamment artistiques, et en quoi cela peut faciliter la diffusion, la participation, ou l’incidence d’initiatives agri-alimentaires.

4 – Approches sensibles

La question des sensibilités, dans leur dimension affective, qui é-meut (c’est-à-dire capable de mettre en mouvement), comme dans leur dimension sensibles et spirituelles – qui à la fois nous font défaut face aux risques et à la fois nous permettent d’établir des liens avec d’autres êtres vivants - a fait dernièrement l’objet de nouvelles explorations (Chelkoff & Paris M., 2016). Dans quelle mesure cela ouvre-t-il de nouvelles perspectives de collaboration ou de nouvelles méthodologies ? Des approches sensibles peuvent-elles constituer un nouveau média facilitant la rencontre entre les chercheurs et les différents acteurs partie prenante des initiatives, ou face à la variété des publics qui se trouvent, d’une façon ou d’une autre, engagés dans ces alternatives ? Dans quelle mesure ces approches deviennent plus défendables scientifiquement et socialement, aujourd’hui plus qu’hier ?

 

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Cit’In