Vers une transition ordinaire
Retour sur les trois universités éphémères du programme Travail Autonome, Coopération, Innovations Sociales pour la Transition Ecologique (TACITE)
Contacts : thomas.lamarche@u-paris.fr - recherche@scic-tetris.org - institutgodin@gmail.com
Emmanuelle Besançon (Institut Godin / CRIISEA) Catherine Bodet (La Manufacture coopérative) Philippe Chemla (SCIC TETRIS) Nicolas Chochoy (Institut Godin / CRIISEA) Geneviève Fontaine (Institut Godin / SCIC TETRIS / GREDEG) Noémie de Grenier (Coopaname / La Manufacture coopérative) Thomas Lamarche (Université de Paris–Ladyss / La Manufacture coopérative) Jennifer Saniossian (Institut Godin / LEM)
Nous sommes partis du constat suivant : la citoyenneté économique, dans la réflexion sur la transition écologique et solidaire, est essentiellement abordée sous l’angle de la consommation responsable, alors que la réflexion sur les modes de travail, les formes d’entreprendre et de coopération et, plus largement, les modes d’organisation de la production est trop souvent manquante, aussi bien dans les initiatives que dans les recherches menées sur le sujet. Sur cette base, un consortium d’acteurs et d’institutions de recherche en lien avec l’ESS (Coopaname, Manucoop, SCIC Maison d’Economie Solidaire, SCIC TETRIS, Institut Godin, UMR LADYSS, UMR GREDEG), inscrits dans trois territoires (Beauvaisis, Pays de Grasse et Paris), ont formé le groupe TACITE- Travail Autonome, Coopérations et Innovation Sociale pour la Transition Ecologique - engagé depuis juin 2018 dans le programme Cit’in (https://www.cit-in.fr/). Le terrain de cette recherche action est en quelque sorte un terrain de niveau 2 au sens où nous avons travaillé à partir des terrains qui sont ceux des trois territoires depuis plusieurs années, et dont le présent programme a permis la mise en commun. Il est en effet intéressant de concevoir la recherche-action non seulement comme l’application d’un dispositif, mais aussi comme prenant part à une expérimentation et y favorisant et y soutenant la réflexivité et le retour critique - selon une démarche de “co-recherche-action” (Bureau et Corsani 2015). C’est dans cet esprit que les différents membres de notre collectif ont contribué lors des trois espaces de co-production des connaissances qu’ont constitué les trois Universités Ephémères (UE) organisées respectivement en novembre 2018 à Paris (autour des coopératives d’activité et d’emploi), en avril 2019 à Grasse (autours des SCIC) et en novembre 2019 à Beauvais (autour des Pôles Territoriaux de Coopération Economique). Les Universités éphémères sont des moments de travail collectif qui s’intègrent à des dynamiques de recherche-action et constituent des étapes dans des démarches d’éducation populaire (avec les personnes et les collectifs impliqués) et dans des démarches de problématisation commune. On s’attache à la démarche de problématisation au sens que lui donne Dewey de construction collective de ce qui est le problème à traiter et de ce que les personnes concernées souhaitent et peuvent faire pour s’y atteler.
Dans cette perspective l’objectif de notre communication est double. Premièrement, l’objectif est de présenter les enseignements que nous tirons de l’organisation de trois UE qui sont liées les unes aux autres tout en se déroulant sur trois territoires différents et sur une période d’un an et demi. Ceci nous permettra d’alimenter la réflexion sur les formes de recherche-action cherchant à croiser les problématiques coopératives et écologiques. Deuxièmement, l’objectif est de rendre compte des points communs et des analyses transversales résultants de ces trois démarches de recherches actions considérées chacune en tant qu’expérimentation. Ces points d’analyse portent tout autant sur le sens que les acteurs confèrent à la transition écologique que sur l’articulation entre cette dernière et les formes de travail et d’organisation, ainsi que sur les tensions identifiées. De façon plus générale l’enjeu est celui de la mobilisation de personnes, de collectifs et d’organisations engagés dans les transitions écologiques et de l’implication de la recherche dans et pour l’action. Au final nous présentons des premiers points de réflexion qui ressortent, notamment sur les démarches d’émancipation que visent à mettent en œuvre et à soutenir ces initiatives.
Enfin, nous avons choisi d’inscrire cette démarche dans une logique ordinaire, comme d’autres recherches, s’intéressent, notamment dans le champ de l’écologie, à la biodiversité ordinaire (Beau, 2015 : c’est-à-dire ne focalisant pas tant sur le tigre du Bengale ou le panda géant, que sur les masses d’insectes de passereaux ou d’amphibiens tout aussi menacés), et plus largement s’intéressent dans de nombreux d’autres champs aux « formes ordinaires » (Blanc, 2008) et plus généralement à la vie ordinaire. La dimension ordinaire de la transition est celle vécue par ces collectifs qui agissent et sont sans prétention à fonder un nouvel ordre, un nouveau programme politique, un nouveau régime économique, sans référence à un plan de transformation etc. qui sont loin des tribunes proposant de penser le monde de demain, mais sont engagés à faire à leur mesure. Loin de nous donc l’idée de proposer un programme ou des solutions toutes faites, il s’agit ici d’un retour d’expérience sur trois temps liés à des programmes associant recherche et action qui aboutissent sur quelques clés de lecture pour penser et agir des transitions par le bas, des voies ordinaires de transition.
Le rapport de cette recherche sera prochainement mis en ligne. Nous en avons en plus fait une version graphique accessible ci-dessous :
Références citées :
Rémi Beau, « Nature ordinaire », dans D. Bourg & A. Papaux, Dictionnaire de la pensée écologique, Paris, Presses universitaires de France, 2015.
Marie-Christine Bureau, Antonella Corsani (2015), « Les CAE : pratiques d’innovation institutionnelle », RFSE, n.15, pp.213-231.
Nathalie Blanc, Jacques Lolive (2008),« Politique des formes », Nouveaux Actes Sémiotiques (revue en ligne), mars :http://revues.unilim.fr/nas/document.php?id=2453 .